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Les 5 étapes pour rendre un groupe plus productif au sein d’une organisation

10 Nov • par Camille Hugo

Face à la diversité et la complexité des projets que doivent mener de plus en plus d’organisations, la mise en action collective se révèle être une nécessité. De ce fait général, comment créer une dynamique positive qui permettra aux membres d’un groupe de travail de résoudre des problèmes spécifiques et produire des solutions innovantes collectivement ?

Construire un cadre de sécurité (à maintenir coûte que coûte)

Un groupe qui travaille sur un projet en particulier est vu au sein d’une organisation comme un élément « perturbateur ». La solidarité, l’indifférence ou la réticence que montrent les autres unités vis-à-vis de ce groupe impactent directement l’efficacité de l’équipe. La direction doit donc construire un cadre de sécurité solide autour du groupe suivant ces trois éléments :

1) Apporter un soutien explicite et effectif : ce premier élément garantit, entre autres, les ressources et les moyens. Au début d’un projet, les dirigeants doivent clarifier le périmètre d’action du groupe en énonçant les enjeux et les lignes rouges du projet, puis suivre et soutenir, sans intervenir, l’avancement du projet pour ainsi montrer qu’ils font confiance à l’équipe.

2) Mettre en parenthèse la structure hiérarchique : pour que le groupe s’autonomise et s’écarte du schéma de pensée usuel, la direction doit opérer un transfert de responsabilité. Le travail de réflexion, les orientations possibles du projet et l’étude de faisabilité doivent alors être confiés au groupe de travail.

3) Garantir une reconnaissance interne et externe : pour encourager la motivation et la production, le projet doit être visible dans l’organisation, c’est-à-dire annoncé et soutenu par la direction. En cela, les membres se sentiront légitimes et reconnus pour leur participation dans le projet et deviendront naturellement plus enclin à donner le meilleur d’eux-mêmes et à s’investir intensément dans le projet.

Porter un objectif commun et s’engager

Dans un projet, si l’ambition et la cible sont généralement énoncées par la direction, les objectifs concrets doivent être fixés par le groupe. Car pour être productifs, les membres doivent incarner ces objectifs (1) et s’engager pour les porter contre vents et marées (2) :

1) Le groupe doit établir collectivement des objectifs qui soient spécifiques, mesurables, réalistes et temporels pour que tous les membres soient capables de les exprimer avec clarté et précision. Sans construction commune des objectifs, certains membres ne s’y identifieront pas et ne pourront pas les défendre.

2) Tous les membres du groupe doivent s’engager personnellement (à travers la formulation symbolique « je m’engage à… ») et collectivement (qui se mesure dans le vocabulaire utilisé, notamment par l’emploi de « nous » et « notre » à la place de « je », « vous » et « ils ») envers la poursuite de cet objectif quelles que soient les difficultés.

Au final, le fait de pouvoir porter des objectifs communs, suscite l’adhésion et la solidarité envers le projet et renforce l’engagement. Les membres, alignés et liés par l’envie de travailler ensemble, deviennent responsables vis-à-vis des objectifs à remplir et leurs interactions se multiplient.

Constituer un groupe hétérogène contenant toutes les compétences dont le projet a besoin

Pour résoudre un problème complexe ou réaliser un projet, l’équipe doit disposer de l’ensemble des talents, des connaissances, de l’expérience et de l’expertise nécessaires. De ce fait, un groupe est plus productif quand les individus qui le constituent proviennent de différentes unités et occupent des positions hiérarchiques variées. C’est la richesse de cette diversité qui accentue les interactions et permet la circulation de connaissances avec les autres, renforçant ainsi la capacité du groupe à analyser collectivement une situation ou un problème puis à trouver des solutions innovantes. La composition de ce type de groupe n’est pas innée, elle doit être réfléchie pour être construite judicieusement et pour que chaque membre soit là pour ses compétences et non pour sa position hiérarchique dans l’organisation.

Adopter un mode de leadership spécifique

Pour gérer et soutenir le développement et la productivité d’équipes très hétérogènes, il faut avoir des postures de leadership adaptées. À cette fin, le modèle de leadership qu’Edmonson et Harvey ont développé dans leur ouvrage Extreme Teaming : Lessons in Complex, Cross-Sector Leadership (2017) à partir d’études de cas de projets d’innovation nous semble intéressant à présenter. En analysant les cas où des équipes très hétérogènes sont extrêmement efficaces, ils ont identifiés quatre pratiques managériales nécessaires à l’accomplissement d’un projet :

  1. Être capable de construire une vision engageante (qui motive les gens à travailler intensément et à collaborer) mais adaptable pour que, au fur et à mesure du projet, les expériences du groupe et les nouveaux entrants soient incorporés.
  2. Entretenir un environnement dans lequel les individus ne se sentent pas inhibés à l’idée de s’exprimer et puissent proposer des idées décalées, admettre des erreurs ou encore être ouvertement en désaccord avec les autres membres du groupe.
  3. Assurer le développement de modèles mentaux communs : les participants doivent partager soigneusement leurs expertises et réflexions pour créer une sorte de toile de connaissance collective. Ainsi, les informations sont connues et comprises par tous, et aucun malentendu ne vient troubler le projet. Ici, les tâches clés du leadership consistent à insister sur l’apprentissage réciproque et à valoriser les différences entre personnes comme une source de richesse.
  4. Encourager les individus à agir suivant une logique d’apprentissage : durant le projet, il faut inciter les membres à générer et à tester des hypothèses directement sur le terrain, afin de réduire l’incertitude au fil du projet. Un peu comme les scientifiques dans un laboratoire, le travail ne progressera que grâce à des expériences sur le terrain.

Finalement, dans ce modèle de leadership spécifique, le manager devient une « fonction » à la mise en œuvre d’une dynamique collaborative nécessaire pour entrainer le groupe vers l’excellence.

Organiser une communauté d’actions

Le modèle mental commun construit par le groupe devient une base de travail solide nécessaire pour faire éclore des idées créatives, tester différentes pistes et co-créer des solutions innovantes. Pour apprendre à mettre en commun les connaissances et à s’enrichir des perspectives des autres, le processus de facilitation est déterminant. La facilitation d’un groupe consiste en “l’art de favoriser et d’accueillir des conversations engageantes, stimulantes, créatives, constructives, inclusives, respectueuses et équitables entre les parties prenantes concernées par un sujet commun” (Piazza, 2018). En cela, elle apporte une structure de dialogue — permettant d’enrichir et d’adapter les propositions émises par le groupe — et renforce la cohésion du groupe indispensable pour coordonner les plans d’action et les efforts.

Cette nouvelle façon de travailler, qui mise sur la dynamique collective et in fine sur une véritable “communauté d’actions”, se distingue car elle aide à développer la motivation et l’enrichissement personnel de chaque individu et permet de faire émerger des solutions ou des propositions beaucoup plus singulières et novatrices. Ici, la notion de communauté d’actions est intéressante car elle décrit bien la forme émergente de l’action collective dans laquelle des individus hétérogènes entreprennent de travailler ensemble sur un objectif explicite pour co-construire une action commune.